Les modalités du libre accès des riverains à la voie publique
Un administré, propriétaire de parcelles d'une superficie totale d’environ 4 500 m², dépose en Mairie une demande de certificat d'urbanisme opérationnel portant sur la division en 4 lots d'une partie de cette propriété dont trois lots à bâtir et le 4ème à usage commun (accès aux 3 lots).
Par voie d’arrêté, le Maire oppose un refus en délivrant un Certificat d'Urbanisme « opération non réalisable » au motif notamment que l'accès aux 3 lots est prévu par un lot commun donnant sur une aire de stationnement existante, utilisée par les résidents d’un lotissement, alors que l’article UA 3 du règlement du PLU dispose notamment : « Pour être constructible, un terrain doit avoir un accès direct à une voie publique ouverte à la circulation.
Les accès doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile et être adaptés à l'opération future,
Les groupes de garages doivent être disposés de façon à ne présenter qu'un seul accès sur la voie.
Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l’accès sur celles de ces voies qui présenteraient une gêne ou risque pour la circulation peut être interdit. »
Le pétitionnaire a saisi le Tribunal Administratif d’AMIENS d’une requête en annulation.
Mais suivant jugement daté du 6 juillet 2021, sa requête a été rejetée notamment au motif suivant : « Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan cadastral et des· photographies produites par les parties, que le terrain d'assiette du projet jouxte un parc de stationnement attenant à la rue X… qui constitue une voie communale affectée à la circulation publique depuis son incorporation au domaine public communal par délibération du 7 novembre 2016. Si ce parc de stationnement, qui appartient à la commune, est affecté de manière permanente à l'usage direct du public et, constitue ainsi une dépendance du domaine public routier communal, les parcelles d'assiette du projet qui lui sont contigües ne disposent toutefois pas d'un accès direct à la voie publique tel qu'exigé par les dispositions précitées de l'article UA3 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors que trois places de stationnement se situent devant l'entrée des parcelles et empêchent l'accès de manière prévisible et pérenne. Par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est-à-tort que l'arrêté attaqué a retenu que son projet ne respectait pas les exigences de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. »
Appel a été formé devant la Cour Administrative d’Appel de DOUAI.
Le requérant, assisté de Me PIRET, a fait valoir que selon une réponse ministérielle publiée au JO Sénat du 23/02/2006, des précisions ont été apportées quant à la possibilité pour les riverains d'accéder à leur terrain depuis la voie publique ou ses dépendances : « Les riverains des voies publiques classées comme telles et affectées à la circulation générale jouissent d'un droit d'accès à leur propriété.
Le riverain dispose sur ces voies d'une servitude de passage qui lui permet d'accéder en véhicule à sa propriété.
Ce droit n'est inscrit dans aucun texte mais est consacré par la jurisprudence administrative (Conseil d'Etat, 16 Juillet 1937, Sieur TRIVIER- LEBON, page 703- Tribunal Administratif de RENNES, 6 Décembre 1989, FOULON).
Dans le cadre de l'aménagement d'un parking pour une commune, il convient de considérer que le changement d'affectation d'un terrain nu, à usage agricole, en parc de stationnement public, a pour effet d'intégrer ce terrain au domaine public routier.
En effet, la jurisprudence constante considère que les parcs ou places de stationnement sont intimement liés à l’affectation de la voie publique et doivent donc être considérés comme une dépendance de la voierie (Conseil d'Etat, 18 Octobre 1995, Commune de BRIVE-LA-GAILLARDE, CAA de DOUAI, 29 Janvier 2004, Commune d'HAUBOURDIN).
Il en résulte que les riverains d'un parking public doivent pouvoir jouir du droit d'accès à leur propriété et des dispositions doivent être prévues pour assurer la desserte des immeubles bordant un parc de stationnement nouvellement créé (réponse ministérielle à question écrite, n° 67576, Mme ZIMERMAN, JOAN Q, 21 Février 2006, page 1888) ».
La question à résoudre en l’espèce ne semblait pas avoir été abordée en jurisprudence.
Sauf à relever que le juge administratif reconnaît désormais aux riverains un droit aux travaux nécessaires à l'octroi d'un droit d'accès au titre des aisances de voirie, précisant cependant les caractéristiques et les conditions de réalisation des travaux considérés, et étant rappelé qu'il s'agira d'un aménagement léger du domaine public. (CE, 15 décembre 2016, n°388335, Commune de Urou-et-Crennes, AJDA 2017, p.630, note N. Foulquier)
Cet arrêt retient en effet : « 3. En deuxième lieu, sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété, et notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. Dans le cas d'une voie communale, le maire ne peut refuser d'accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique. Lorsque l'accès à la voie publique avec un véhicule est de nature à mettre en cause la sécurité de la circulation, le maire n'est pas tenu de permettre l'accès en modifiant l'emprise de la voie publique. Toutefois, il ne peut refuser un tel accès sans rechercher si un aménagement léger sur le domaine public, qui serait légalement possible, ne serait pas de nature à permettre de faire droit à la demande dans de bonnes conditions de sécurité. La réalisation et l'entretien de cet aménagement destiné à assurer la sécurité de la circulation sur la voie publique incombent à la commune, mais l'autorisation peut être subordonnée à la condition que le pétitionnaire accepte de prendre à sa charge tout ou partie du coût de la réalisation et de l'entretien de l'aménagement en cause, compte tenu de son utilité éventuelle pour des besoins généraux de la circulation sur la voie publique. »
Il faut donc en conclure que, désormais, une commune doit proposer à celui qui demande à sortir sur la voie publique l'éventuel aménagement léger nécessaire au respect de la sécurité, en lui en indiquant le coût et le montant devant être mis à sa charge.
De même, la création d'une aire de stationnement ne doit pas porter atteinte à la liberté d'accès aux propriétés riveraines et leur desserte (CE, 8 mars 1990, n° 49513, Cne Viterne)
Il appartient au maire, « nonobstant le choix de la commune de consacrer principalement les voies litigieuses à la circulation des piétons, de respecter le droit des riverains des voies publiques de bénéficier d'une desserte correcte de leurs habitations, y compris en voiture » (CE, 17 janv. 2011, n° 312310, Cne Clavans).
Mais dans le cas qui nous occupe, restait à savoir quelles conclusions on pouvait en tirer compte tenu de l'existence de ce parking.
Or, par arrêt n° 21DA02166 du 9 mars 2023, la Cour Administrative d’Appel de DOUAI a confirmé la jurisprudence précitée suivant laquelle sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété et, notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule et que dans le cas d'une voie communale, le maire ne pouvait refuser d'accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique.
Elle constate qu’il ressort des pièces du dossier que les voiries du lotissement Z. ont été intégrées dans le domaine public communal par délibération du conseil municipal du 7 décembre 2016 ; qu’il n’est pas contesté que cette affectation concernait tant l’impasse que l’aire de stationnement permettant d’accéder au projet ; et que le maire ne pouvait donc se borner à refuser le certificat sollicité au motif que le terrain d’assiette du projet donnait non sur la voie publique mais sur l’aire de stationnement utilisée par les résidents du lotissement Z. et « de ce fait se trouve enclavé », comme il l’a fait dans la décision contestée.
Elle constate enfin qu’il n’est démontré l’existence d’aucun risque pour la sécurité.
Dès lors, le jugement de première instance a été annulé ensemble l’arrêté initial et il a été enjoint au maire de délivrer au pétitionnaire un certificat d’urbanisme opérationnel positif dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt.
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